L’élection présidentielle de 2002 intervient après cinq ans de cohabitation entre le Premier Ministre Lionel Jospin (Parti Socialiste) et le Président de la République Jacques Chirac, candidat du Rassemblement pour la République (RPR). Les élections présidentielles de 2002 font suite aux municipales des 11 et 18 mars 2001 qui resteront les premières élections auxquelles s’applique la loi sur « la parité ». Cette loi contraint les partis politiques à présenter autant d’hommes que de femmes lors d’élections municipales régionales, sénatoriales et européennes. Ces élections auront globalement vu la gauche l’emporter sur la droite, notamment dans certaines grandes villes telles que Paris et Lyon.
L’affiche de second tour annoncée
Tout au long de la campagne, ce sont le président sortant Jacques Chirac ainsi que le Premier ministre Lionel Jospin qui sont les grands favoris de cette élection. Ils sont même sensiblement à égalité jusqu’au sondage Ipsos du 30 mars 2002. Ce n’est qu’à partir de début avril que Jacques Chirac commence à prendre un léger avantage sur Lionel Jospin, mais les sondages restent serrés entre les 2 candidats qui sont le plus souvent maintenus entre 1 et 3 points d’écart.
Après 7 années sous la présidence de Jacques Chirac, la gauche exprime fermement sa volonté de changement. Lionel Jospin, l’ancien Premier Ministre de Jacques Chirac (du 2 juin 1997 au 6 mai 2002) se présente comme le principal adversaire crédible du président sortant tout au long de la campagne.
Jean-Pierre Chevènement : le troisième homme ?
Pendant une bonne période de la campagne, le 3e homme est Jean-Pierre Chevènement, issu du Mouvement des citoyens. L’ancien ministre de l’Intérieur de Chirac (de juin 1997 à août 2000) a travaillé sous la présidence de Chirac et le gouvernement de Jospin, mais il entend bien au cours de cette élection les dépasser et succéder au premier comme président de la République Française.
Le 26 mars 2001, Lionel Jospin et Jacques Chirac sont tous 2 estimés à 28 % d’intentions de vote. A ce moment-là aucun autre candidat ne dépasse la barre des 10 % à laquelle se trouve Jean-Pierre Chevènement (10,5 %) et Jean-Marie Le Pen (10 %). Le représentant du mouvement des citoyens est à ce moment-là le seul en mesure de concurrencer les deux favoris de cette présidentielle. Cependant, il ne parvient pas à marquer la campagne de son empreinte et ne fait pas suffisamment parler de lui dans les médias et les journaux. Un boulevard se présente pour les 2 favoris de l’élection les médias eux-mêmes et Chevènement n’obtiendra que 5,33 % seulement, bien loin de celui qu’il pouvait espérer quelques mois auparavant. Ce faible score s’explique notamment par son positionnement socialiste dont les électeurs ont malgré tout préféré Lionel Jospin mais se sont répartis entre les nombreux candidat de gauche, notamment Arlette Laguiller (mouvement Lutte Ouvrière) avec son score de 5,72 %, juste devant Chevènement, ou Noël Mamère (mouvement Les Verts) qui réalise 5,25 %.
La confiance de Lionel Jospin
Tous deux sont donnés favoris tout au long de la campagne, mais souffrent de leur grande proximité programmatique, notamment sur les sujets européens. Lionel Jospin affirme que son programme est « moderne, mais pas socialiste », ce qui continue de brouiller les lignes. Jacques Chirac axe sa campagne sur sa critique des prélèvements obligatoires et de l’insécurité tout au long de la campagne Lionel Jospin n’hésite pas à critiquer Jacques Chirac évoquons le fait qu’il soit trop âgé notamment. Mais il crie mais il critique également ses méthodes affirmant lors d’un meeting : « un candidat à la présidence de la République s’exprimant en lisant un prompteur comme s’il était un présentateur de télévision, je ne l’avais jamais vu dans une grande démocratie comme la France. »
Lionel Jospin bénéficie par ailleurs d’une volonté d’une partie de la population de changement suite à une présidence suite à de nombreuses années présider par la droite avec Jacques Chirac depuis 1995. Des personnalités politiques du Parti Socialiste se montrent toutefois un peu plus sur leur garde quant à la présence de leur candidat au second tour. C’est le cas de François Hollande qui affirmait à Jean-Michel Apathie, alors journaliste chez France Inter, qui l’interrogeait sur l’éventualité d’une surprise dans la composition du second tour « : Je pense que l’on a trop installé l’idée que ce serait forcément ces deux-là (Chirac et Jospin). Si tout le monde fait ce raisonnement de se dire qu’il est inutile de voter pour Jospin, puisqu’il est déjà qualifié, alors sa présence au second tour est fortement remise en question. »
Quant à l’intéressé, il se montre extrêmement confiant face aux médias assurant n’avoir aucun doute sur sa présence au 2nd tour de l’élection présidentielle. Lorsqu’il est interrogé par un journaliste pour un reportage publié par la suite sur Canal +, sur l’éventualité d’une non-qualification au second tour de la présidentielle, il éclate de rire affirmant avoir « une imagination normale mais tout de même tempérée par la raison », le journaliste le relance : « Donc c’est impossible ? ». « Ne disons pas ça, mais ça me paraît assez peu vraisemblable, hein ? Bon. » évacue finalement Lionel Jospin avec le sourire, avant de demander s’il est possible de passer à la question suivante.
La percée soudaine de Jean-Marie Le Pen
Au début, c’est Jean-Pierre Chevènement qui est perçu par les sondages comme le troisième homme. Puis peu à peu, Jean-Marie Le Pen va prendre du crédit auprès d’une partie des électeurs au point de rendre possible sa qualification au 2nd tour de l’élection présidentielle. Mais comment expliquer cela ?
Au soir du premier tour, le 21 avril 2002, les premières estimations tombent. C’est Jean-Marie Le Pen qui sera qualifié avec 16 ,86 %, juste derrière Jacques Chirac qui pointe à 19,88 %.
Dans une interview effectuée quelques semaines avant le premier tour, Jean-Marie Le Pen se montrait très optimiste : « il y a toute une série d’indices qui me paraissent très prometteurs. La qualification se jouera entre 17 et 18 points, peut-être dans un mouchoir de poche, à la décimale près » affirmait-il.
Quelques heures avant les résultats du 2nd tour les premières tendances donne déjà Jean-Marie Le Pen en position de se qualifier pour le 2nd tour, un cheveu devant Lionel Jospin. De nombreux journalistes se regroupent au siège du Front national et le directeur de communication du FN Alain Vizier est lui-même très étonné : « Vu le nombre de journalistes qui se présentent, il doit se passer quelque chose. » dit-il face caméra. Des membres du parti du Front National se décident à mettre en place une cellule spécifique en cas d’éventuel second tour.
Deux heures avant les résultats finaux du premier tour, la France entière commence à comprendre. Ils ne revent pas, c’est bien Jean-Marie Le Pen qui est sur le point de se qualifier, devant Lionel Jospin. Les premières estimations place le président du Front National autour de 18 % et son concurrent Lionel Jospin autour de 16 %, Chirac étant toujours en première place. Les membres du Front National ont eux-mêmes du mal à y croire, partagés entre immense joie et grande prudence tant que les résultats finaux ne sont pas annnoncés.
Lors de l’annonce des résultats officiels, la France entière est sous le choc. Jean-Marie Le Pen termine en deuxième position avec derrière le Chirac avec 16,86% des voix de quelques dixièmes devant Jospin situé lui à 16,18 %. Ce résultat qui semble irréel va susciter de très nombreuses réactions et prises de parole dans les heures et les jours qui suivent. Il y aura un avant et un après ce fameux 21 avril 2002.
Les réactions à l’annonce des résultats
Dans de nombreux QG de campagne, la réaction des électeurs est bien au-delà de l’étonnement. C’est un véritable choc pour tout le pays. Personne ne s’attendait à ce que Lionel Jospin chute aussi bas et encore moins voir Jean-Marie Le Pen un tel score, record dans l’histoire du Front National à cette époque. Les électeurs ainsi que les membres du parti sont eux-mêmes très étonnés et ne m’attendez pas à ce que leurs candidats se qualifie c’est même au-delà de leurs espérances.
Score affiché sur France 2 lors de l’annonce des résultats du premier tour (source : INA).
Malgré sa première place obtenu avec près de 20 % des voix Jacques Chirac se montre prudent et prend un ton grave lors de son discours à la suite de l’annonce des résultats : « Aujourd’hui ce qui est en cause c’est l’idée même de l’homme et de ce que nous faisons de ses droits, de sa dignité. » Le président sortant appelle également l’ensemble des français « à se rassembler pour défendre les droits de l’homme, pour garantir la cohésion de la nation et affirmer l’unité de la République. »
La prise de parole de Jacques Chirac sera également est également marqué par sa décision de refuser de débattre avec « le représentant Du Front National ».
Pour Lionel Jospin, éliminé donc dès le premier tour de cette présidentielle ce résultat est perçu comme « un coup de tonnerre ». Lorsque le candidat prend la parole on le sent marqué et sous le choc des résultats auxquels ils ne croyaient pas j’assume pleinement la responsabilité de cet échec et j’en tire les conséquences en me retirant de la vie politique française » face à la tristesse de ses électeurs qui se fait entendre dans toutes la salle, dans laquelle on peut entendre des « Non ! » résonner.
Il est intéressant d’évoquer l’article marquant du journal France-Soir intitulé la gauche assommée et particulièrement l’intertitre très révélateur de la situation Lionel Jospin perd en un jour ce qu’il a mis 5 ans à engranger très pertinent l’article évoque l’état dans lequel se trouve Lionel Jospin suite à cette véritable gifle tente d’en expliquer les raisons de cet échec et évoque le second tour à venir entre Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen.
Patrick Devedjian, le conseiller politique du RPR exprime lors d’une interview dans laquelle il conduit à côté du journaliste que cette victoire n’est pas réellement perçue comme une victoire et que c’est avant tout un échec de voir Jean-Marie Le Pen au 2nd tour avec un tel score. « C’est quelque chose de profondément dérangeant une tâche sur notre propre victoire. »
Si le pays est ébranlé par ces résultats pour le moins inattendu on sent une grande partie de la population y compris les jeunes et les personnes n’ayant pas voté à se mobiliser très massivement durant l’entre-deux-tours et aux urnes lors du second tour qui se disputera le 5 mai 2002.
Entre mobilisations et manifestations, les nombreux mouvements de l’entre-deux tours
Les jours qui suivent cette électro ce véritable électrochoc sont marqués par des manifestations dans l’intégralité du pays. On ne compte pas moins de 6000 manifestants à Toulouse 8000 À Strasbourg 7000 À Reims 12000 à tours 15000 à Nantes. Dans les grandes villes ces chiffres sont bien entendu nettement plus élevés puisqu’on compte près d’un million de manifestants à Lyon et pas moins de 1,5 million à Paris, avec une immense affluence entre la Place de la Bastille et la Place de la République. Les mots sont forts, avec des « Non au fascisme », et « Vive la démocratie ».
Il faut également souligner qu’il y a eu quelques marches et mobilisations en faveur de Jean-Marie Le Pen, notamment au centre de Paris. Mais bien que celles-ci mobilisaient un certain nombre de personnes, elles ont été totalement étouffées dans les médias, tant la grande majorité des électeurs français étaient contre lui.
Les électeurs attendent impatiemment la prise de position de Lionel Jospin et du Parti Socialiste face à cette situation. Le désormais ex-candidat se fait attendre puisqu’il sort du silence pas moins de 4 jours après le premier tour, afin d’affirmer qu’il votera en faveur de Jacques Chirac. L’ensemble du parti socialiste et sur la même ligne, notamment François Hollande qui affirme que malgré ses nombreux désaccords avec le président sortant, étant donné la situation politique, il n’hésitera pas à glisser dans l’urne un bulletin Jacques Chirac et appelle les électeurs à en faire de même, sans état d’âme.
L’ensemble de ces mouvements et des unes anti-Le Pen font leur effet, puisque quelques jours seulement après le premier tour le candidat du Front National est annoncé à 30 points de retard sur Jacques Chirac. Lorsque la question lui est posée en conférence de presse par les journalistes afin de savoir comment il comptait rattraper ce retard, il s’agace et affirme que pour l’instant il n’a que deux petits points de retard sur son rival au premier tour.
Malgré tout, Les membres du RPR se montrent méfiants, à l’image de Pierre Bédier, Maire RPR de Mantes-la-Jolie : « C’est compliqué. Je pense que des électeurs de gauche comme de droite vont voter Le Pen, pour envoyer un message d’autorité. Je pense que Le Pen peut encore monter, je le vois encore prendre 2 millions de voix. Mais j’espère me tromper. » développe-il.
Durant ses meetings, Jacques Chirac attaque son adversaire en faisant référence à la seconde guerre mondiale : « Aux heures sombres, les dirigeants de l’extrême droite ont trahi le peuple français en s’alliant aux forces du mal et aux ennemis de la patrie. » assène Jacques Chirac.
Durant toute la campagne du second tour, le président sortant évite de prononce le nom de Le Pen. Ce dernier lui répond lors de son meeting à Marseille le même jour, affirmant que « la seconde guerre mondiale est terminée depuis 57 ans », avant d’ajouter: « Préparons-nous au combat et à la victoire pour croire de nouveau à la France et à sa résurrection. »
Après deux semaines de campagne de deuxième tour, Chirac sera sans grande surprise réélu pour le premier quinquennat de la Ve République. Mais le plus surprenant est son score écrasant, puisque le candidat obtient 82,21 % des suffrages (contre 17,79 % pour Le Pen). Un record pour un président de la République Française.