Les réseaux sociaux au cœur de la présidentielle américaine 

La présidence de Joe Biden touchant à sa fin, les États-Unis d’Amérique sont actuellement en pleine campagne présidentielle, dont le scrutin aura lieu le 5 novembre 2024. Ce scrutin indirect permettra d’élire le futur président et vice-président Américains. C’est pas moins de 538 membres du collège électoral du pays, appelés grands électeurs, qui seront élus par l’ensemble des électeurs américains. Cette élection est la 60e élection présidentielle du pays. L’actuel président démocrate Joe Biden avait initialement annoncé sa candidature à sa ré-élection. Mais le 21 juillet dernier, après un débat catastrophique avec son adversaire Donald Trump, Joe Biden a annoncé qu’il renonçait à se présenter aux élections afin de laisser sa place à son actuelle vice-présidente, Kamala Harris. Cette lourde décision n’a pas été prise d’un claquement de doigt. Depuis quelques temps, Joe Biden essuyait de nombreuses critiques venant de son électorat comme des membres du parti démocrate Américain. En effet, certains estimaient qu’il n’avait plus ni les ressources, ni l’énergie nécessaires à la fonction de président, en mettant notamment en avant son âge très avancé, lui qui a fêté ses 80 ans l’année dernière.

Actuellement, les principaux candidats de cette élection présidentielle comptent Kamala Harris du Parti Démocrate, Donald Trump du Parti Républicain, Robert Francis Kennedy Jr et Cornel West comme candidats indépendants, Gilles Stein du Parti Vert et Chasse, Oliver du Parti Libertarien. Si les Américains ne s’étaient pas vraiment immergés dans cette campagne en tout début d’année 2024, ils sont désormais très impliqués dans les débats et sur les réseaux sociaux depuis le milieu du printemps. Aujourd’hui, on évoque sur toutes les chaînes d’actualité américaines et dans les différents journaux politiques le duel d’ores et déjà annoncé entre Kamala Harris et Donald Trump. Ces deux candidats que tout oppose en termes de valeurs et en termes de programme, diffèrent également en termes d’expérience et de personnalité. Ce sont donc deux personnalités et deux visions très différentes qui s’affrontent pour cette élection présidentielle aux États-Unis.

Il est important de rappeler que le système électoral américain est très différent de celui de la France. Tout d’abord, l’élection est destinée à élire le président et son vice-président. Les grands électeurs comme les candidats, sont désignés et encadrés par des règles établies par chacun des états. L’élection présidentielle américaine est indirecte. En effet, les citoyens votent pour des grands électeurs qui élisent ensuite le président et le vice-président. Le nombre de grands électeurs dans chaque état est proportionnel à la population, et varie donc très significativement entre états. Dans la grande majorité des états, le couple président/vice-président qui remporte le plus de voix dans un état, obtient tous les grands électeurs. Du fait de ce système, le résultat du vote dans certains états dits « Swing States » (Floride Pennsylvanie…), qui oscillent entre candidats républicains et les démocrates, décide du résultat final des élections au niveau national. Cette information est essentielle car même si la majorité de la population du pays soutient un candidat, remporter les « Swing States » permettra à un autre de gagner l’élection présidentielle.

Le phénomène Kamala Harris 

Portrait officiel de la vice-présidente Kamala Harris, Mars 2021

La candidate démocrate Kamala Harris a d’abord été procureure générale de Californie avant de devenir en 2017, sénatrice pour la Californie au congrès des États-Unis. En janvier 2021, elle est nommée vice-présidente des États-Unis aux côtés du président Joe Biden. Elle bénéficie aujourd’hui en tant que candidate démocrate à la présidentielle américaine d’une bonne côte de popularité auprès des Américains. A l’issue de la convention démocrate, elle vient d’être désignée pour comme candidate du parti démocrate aux élections présidentielles de novembre 2024. Son principal adversaire devrait être le candidat Républicain Donald Trump, ancien président américain. 

La force de Kamala Harris, c’est sa confiance en elle, son franc-parler mais aussi son courage. Dans un reportage Arte intitulé  « Kamala Harris, une ambition américaine », on apprend qu’il ne restait que deux candidats en lice pour le poste de procureur de Californie à savoir Terrence Hallinan en 2004 et une certaine Kamala Harris. Alors que la situation semblait plutôt défavorable à la candidate Harris, celle-ci reste déterminée. Sa directrice de campagne explique dans une interview à quel point la jeune Kamala était déjà confiante et résolue à se battre :

« Personne ne misait sur elle, explique-elle. Je la regarde et lui dis : Tu es à 6 % je fais quoi avec ça ? Elle répond : « Amène-moi au second tour, et je gagnerai ». 

Rebecca Prozan, directrice de campagne de Kamala Harris

Concernant les élections présidentielles de 2024, sa détermination et son ambition seront critiques pour la course à la Maison Blanche. Actuellement, Kamala Harris est plutôt bien placée dans les sondages, puisqu’elle se situe en première position, dans un mouchoir de poche avec Donald Trump. Au 20 août 2024, la canddiate démocrate recueille environ 48 % des intentions de vote, tandis que D. Trump se situe autour de 46 %. Aucun autre candidat ne se rapproche du score des deux favoris et à moins de trois mois des élections, le résultat final reste encore très indécis.

Parmi les enjeux de la campagne, Kamala Harris s’illustre particulièrement sur le terrain des politiques sociales à conduire aux Etats-Unis. Elle dénonce notamment le fait que les jeunes n’ayant pas de diplôme secondaire sont davantage impliqués dans les activités criminelles. A San Francisco par exemple, 92% des victimes d’homicide n’ont pas fait d’études secondaires. Un sujet qui lui tient également à cœur est l’absentéisme chronique. Elle en parlait déjà dans une interview sur une chaîne américaine en 2009, expliquant qu’elle ne souhaitait pas simplement évoquer le fait de « sécher les cours, ce qu’on a tous fait »,confiait-elle avec le sourire. Il s’agit d’un problème bien plus profond que cela. Elle sait pertinemment que le décrochage scolaire peut avoir de graves conséquences, pas uniquement sur la vie professionnelle puisque cela peut s’avérer dangereux pour la vie de ces jeunes lycéens, voire collégiens.

La candidate du Parti démocrate est très présente sur les réseaux sociaux. Trois semaines après l’annonce de sa candidature à la présidence des États-Unis, Kamala Harris a d’ores et déjà récolté davantage de vues sur TikTok que Joe Biden, totalisant plus de 385 000 000 de vues en très peu de temps. TikTok est un réseau social fréquenté en grande majorité par les moins de 30 ans, qui seront sans doute très nombreux à voter cette année. Bien qu’elle utilise les réseaux sociaux pour répondre aux attaques de son principal rival, elle y publie avant tout des commentaires et des posts mettant en avant son programme et ce qu’elle souhaite faire pour les États-Unis et pour la jeunesse. Kamala Harris est aussi très active sur X et sa popularité est sans doute liée à l’enthousiasme, la sincérité et le courage qui la caractérisent. Lorsqu’elle s’adresse à la caméra ou qu’elle s’exprime en interview, elle semble si proche des électeurs, elle semble si bien les comprendre, sans doute parce qu’elle parle un langage simple, clair et précis, loin des frasques de son principal rival qui n’a pas encore dit son dernier mot.

La popularité de Donald Trump quasi intacte

Pour mieux appréhender le point de vue des électeurs Américains au sujet des différents candidats à la présidentielle, et notamment au sujet de Donald Trump, j’ai interviewé Lola Alvarez, journaliste au service international du journal l’Opinion. Lola Alvarez suit de très près la campagne présidentielle américaine, et s’intéresse particulièrement à l’impact des réseaux sociaux sur celle-ci.

« Lors des élections présidentielles américaines, les sondages sont réalisés trop tôt. La plupart des Américains vont réfléchir à la présidentielle en septembre, ou en octobre. Les sondages actuels troquent les élections. Le discours de Biden sur l’état de l’union au sein du pays a eu un effet plutôt positif sur la population. Dans tous les cas, aux USA, le président sortant a toujours un désavantage dans les sondages » m’explique la journaliste de l’Opinion.

Cette interview a été réalisée avant le renoncement de Joe Biden au profit de Kamala Harris. Depuis, les électeurs américains sont très actifs sur les réseaux sociaux. Les deux principaux candidats se lancent des attaques par médias interposés et n’hésitent pas à se rendent coup pour coup.

Pour Lola Alvarez, Donald Trump symbolise un modèle de réussite pour une partie des Américains. Il représente auprès du peuple américain, la richesse et le succès. Il sait leur parler et leur vendre du rêve en leur promettant un avenir meilleur et des États-Unis qui rayonnent sur la scène internationale. Sa stratégie est également basée sur les critiques parfois violentes de son adversaire et les Américains likent et relaient énormément les tweets et les publications de Donald Trump sur les réseaux sociaux. On se souvient de la sanction que Donald Trump avait reçue en janvier 2021, quand suite à différents appels à la violence, il avait été banni des réseaux sociaux. Les soutiens de Donald Trump estimaient alors que ce dernier avait été sanctionné pour ses opinions. Le débat est en effet ouvert : « Où s’arrête la liberté d’expression ? ». Les internautes qui publient des fake news sur les réseaux sociaux se comptent par millions dans le monde chaque jour, et ceci dans une quasi impunité. Or Trump est un personnage politique mondialement connu et suivi par près de 100 millions d’abonnés.  Son compte est scruté en permanence et cela lui permet de s’exprimer librement, quitte à publier des fake news accompagnées parfois d’insultes à l’encontre d’autres responsables politiques. Et ce, malgré que cela ne soit pas autorisé sur les réseaux sociaux.

Twitter, désormais appelé X, est un outil clé pour Donald Trump. Il y publie de nombreuses fake news. Bien qu’une partie de la population américaine sait que certaines des informations publiées par l’ancien président sont parfois inexactes, ces fake news permettent de faire le buzz et de nuire aux adversaires de Donal Trump. C’est aussi son côté provocateur qui plaît à une partie des Américains. Donal Trump aime défier les codes de respect et de bonne conduite, il aime faire comme bon lui semble, surtout si cela choque. C’est Elon Musk qui a rétabli le compte Twitter de Donald Trump le 20 novembre 2022. Le nouveau patron du réseau social a lancé un sondage sur cette plateforme pour recueillir l’avis du public sur la réouverture du compte de l’ancien président américain. Avec 51,8% de votes favorables, Elon Musk a rendu le compte de Donald Trump à nouveau accessible. Il en a informé la population dans un tweet datant du 20 novembre 2022.

Les réseaux sociaux en ébullition 

Alors que nous entrons dans le cœur de la campagne présidentielle américaine, on observe que les réseaux sociaux entrent en ébullition. Comme l’affirme Lola Alvarez : « On trouve de nombreuses fake news sur la Russie, il y a une espèce d’agora complétement désarticulée. Les comptes pro Kamala Harris et pro Donald Trump se clashent en permanence. »

Cette année, on compte 8 millions de nouveaux votants aux Etats-Unis, et ce sont essentiellement des jeunes. Généralement, ces jeunes électeurs plébiscitent davantage le candidat démocrate que son rival républicain, avec tout de même une influence liée à leur situation financière et l’état dans lequel ils résident. Ces 8 millions de nouveaux électeurs pourraient donc bénéficier à la candidate du Parti Démocrate. De plus, bien qu’il possède un socle très solide d’électeurs et que des dizaines de millions d’américains sont totalement convaincus de voter pour lui coûte que coûte, Donald Trump traine aussi derrière lui quelques « casseroles ». 

Il s’agit de faits graves, telles que des accusations d’agressions sexuelles remontant à quelques années. Ce sont autant d’éléments qui pourraient jouer en sa défaveur auprès des candidats indécis. Mais la force de Donald Trump réside dans sa capacité à réussir des tours de force, au moment même où l’on ne s’y attend pas ou alors qu’il n’est pas en position de favori. Cette année, la clé du scrutin sera peut-être la jeunesse qui va voter pour la première fois et dont l’opinion pourrait peser dans la balance électorale. Cette frange des électeurs est omniprésente sur les réseaux sociaux, publie énormément d’informations et les consulte de manière quotidienne. Avec ses faits graves qui lui sont reprochés, Donald Trump risque d’avoir plus de difficultés à imprimer ses thèmes et son rythme à cette campagne qu’en 2016, lorsqu’il avait remporté l’élection présidentielle avec une très courte avance face à Hillary Clinton. Quoi qu’il en soit, Kamala Harris campe sur ses positions et ne laisse pas déstabiliser par les attaques personnelles de Donald Trump auxquelles elle réplique fermement. Selon certains médias américains, Donald Trump est prêt à tout pour mettre des bâtons dans les roues et décrédibiliser sa rivale démocrate. Convaincu que son adversaire n’est pas au niveau de l’enjeu qui attend les États-Unis, il est bien décidé à montrer qu’il est l’homme de la situation.

Un débat sera organisé sur la chaine de télévision CBS le 1er octobre, entre le sénateur républicain J.D. Vance et le colistier de Kamala Harris, Tim Walz. A moins de deux mois de l’élection présidentielle, ce débat sera l’occasion de confronter les programmes des principaux candidats et de donner aux électeurs des arguments solides. Nul doute que ce débat sera également commenté et relayé sur les réseaux sociaux, par les internautes américains mais aussi par les internautes du monde entier. Les pronostics concernant le ou la gagnante de cette élection présidentielle seront partagés et commentés. Réponse le 5 novembre prochain.

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